La grève générale
rideau

Avec le jour, le coeur d'Alger bat de nouveau entre ces barricades autour desquelles les paras de la 10' D.P. montent une garde amicale et fraternelle. La ville entière, toujours paralysée par la grève générale, vient prouver sa solidarité à ceux qui sont prêts à mourir pour l'Algérie française. La kermesse reprend. On vient pique-niquer au camp retranché dont les effectifs se gonflent d'heure en heure. Au P.C. Ortiz c'est le brouhaha mondain. On bavarde, on papote, on complote. On envisage l'avenir, le proche avenir où de Gaulle aura enfin été viré. Le P.C. Lagaillarde présente un visage plus rigoureux. Ici, tout marche à la baguette. La rigueur militaire des hommes du député contraste avec le débraillé bon enfant des U.T. d'Ortiz.
Delouvrier est découragé, épuisé aussi. Depuis trois jours il n'a pas plus dormi que le général Challe. Leurs visiteurs voient deux éclopés diriger le destin de l'Algérie. Pour autant qu'ils dirigent encore quelque chose. Challe est terrassé par une crise de rhumatismes. En outre, il les pieds brûlés par une mauvaise paire de chaussettes. Il travaille étendu sur un lit roulant, les pieds nus protégés d'un drap léger par un arceau de métal. Quant à Delouvrier, il ne vaut guère mieux. Sa récente opération l'oblige à se déplacer avec des béquilles. La fatigue et la tension nerveuse n'ont pas aidé à la cicatrisation d'une plaie encore fraîche. Après le départ de Debré, les deux hommes ont pris quelques instants de repos. Ces minutes de solitude Delouvrier les a employées à faire le point.
Debré est reparti pour Paris en le laissant dans le pétrin absolu. Il n'a donné aucun conseil d'action. De Gaulle, à Paris, se contente de répéter au téléphone : Faites pour le mieux. Et l'évidence est là : Challe n'ose pas donner l'ordre de réduire le camp retranché de crainte de n'être pas obéi. Delouvrier est tenté de faire une proclamation pour indiquer qu'il est prisonnier de fait puisque l'ordre ne peut être rétabli.
Dans la matinée du mardi il évoque cette possibilité puis il renonce, car il a peur que Challe ne « passe de l'autre côté ». Le délégué général a la plus entière confiance en Challe qui la mérite bien, mais il a peur que l'état-major, acquis à l'insurrection, n'entraîne le commandant en chef.

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Manif du 24 janvier 1960